On rencontre régulièrement des citations dans le domaine de l’expérience utilisateur. Une bonne citation permet en effet d’exprimer une idée pertinente en peu de mots et sans trop se fatiguer. Pour peu qu’elles soient suffisamment marquantes, elles peuvent être une source d’inspiration dans notre travail de designer.

Mais, comme l'écrit Daniel Picouly, « La citation est à la littérature ce que la rondelle est au saucisson ». Cet extrait très pertinent montre bien qu’on peut faire dire n’importe quoi à une citation et donc par extension à son auteur. C'est le cas surtout en l’absence de contexte, comme souvent sur Twitter, par exemple. Les citations que nous rencontrons en tant que designer nous invitent donc à pousser la réflexion et le contexte. Elles ne sont après tout qu’une représentation étriquée de leur auteur initial !

Les quelques citations qui suivent sont issues de designers reconnus mais également d’écrivains, de chercheurs et autres artistes qui peuvent inspirer notre travail sans avoir déjà esquissé une interface utilisateur pour autant.

En tendances sur Twitter

« Une interface utilisateur est comme une blague : si on doit l’expliquer c’est qu’elle n’est pas si bonne. »
@leblancstartup

Cette métaphore, qui fascine encore la planète Twitter trois mois après le tweet, illustre assez bien les notions d’affordance et d’apprentissage des interface auxquelles les utilisateurs sont confrontés. L’idée est que si l’on doit donner des explications à l’utilisateur pour qu’il comprenne l’interface, c’est que celle-ci souffre de quelques problèmes de design.

On peut toutefois nuancer ce jugement quelque peu manichéen : les interfaces sont parfois nécessairement complexes à s’approprier, et ce pour plusieurs raisons. Une interface peut s’adresser à un public professionnel en recherche de fonctionnalités et de contrôle (en). Ou alors, elle peut aussi proposer un design d’interaction novateur mais qui nécessite une explication.

Cela arrive fréquemment sur mobile et fait régulièrement débat : comment introduire un « manuel d’utilisation de l’application » sans freiner l’expérience utilisateur ? Il est généralement recommandé d’accompagner l’utilisateur dans sa découverte de l’interface, en l’encourageant à expérimenter, plutôt que de lui imposer une série d’écrans d’explications impossibles à retenir, qui sont une source de frustration et souvent passées sans êtres lues. Aller plus loin dans cet article (en) ou ce tumblr dédié (en).

Utilisatrice sur son smartphone

Citations choc

« Don’t make me think »
— Steve Krug

Cette citation est, en fait, le titre d’un livre publié en 2000, réédité en 2005. L’ouvrage met notamment en évidence le principe sociologique du « seuil de satisfaction de l’individu », qui s’exprime ainsi : les gens auront tendance à choisir une solution suffisamment bonne plutôt que la meilleure solution, si celle-ci demande du temps et des efforts pour être découverte.

Transposé dans notre domaine, ce principe prend tout son sens lors du parcours des utilisateurs sur une page : est-ce que cette dernière propose le contenu le plus important à l’emplacement le plus évident ? Est-ce possible de comprendre le site du premier coup d’œil ? Il vaut mieux, car les utilisateurs ne vont pas perdre de temps sur un site où ils ne sont pas sûrs de trouver la solution à leur problème. Aller plus loin (en).

« Le message, c'est le médium » (The medium is the message)
— Marshall McLuhan

Le théoricien des médias peut sembler bien loin de nous puisqu’il a développé cette idée dans son ouvrage Pour comprendre les médias, en 1968. Cependant, on doit lui reconnaître une certaine influence sur le rapport au contenu qu’entretiendront la télévision et Internet comme village global vingt-cinq ans plus tard. Dans la phrase « le message, c'est le médium », il met en avant le canal de transmission comme porteur dinformation par rapport au message lui-même.

Sur le web comme ailleurs, une information est d’abord vue à travers le contenant. Est-ce que (celui-ci) ce dernier présente des marques de fiabilité, de sérieux ? De plus, le médium, de par son importance, peut constituer un bruit qui parasitera le message, c’est pourquoi on doit s’assurer de le rendre le plus transparent possible.

Plus globalement, il faut aussi penser les différents messages en fonction des médiums qui sont à disposition : site web, réseaux sociaux, magasins physiques etc. pour que chacun d’eux trouve une cohérence et s’exprime clairement.

Comment faire simple

« Easy is Hard »
— Peter Lewis, NY Times

Le proverbe dit « pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? » Il serait plus approprié de dire « comment faire simple alors qu’on peut faire compliqué » car lutter contre la complexité dans nos interfaces est loin d’être une évidence. Les citations suivantes d’artistes reconnus nous aident tout de même à atteindre cet objectif.

« Il semble que la perfection soit atteinte non quand il n'y a plus rien à ajouter, mais quand il n'y a plus rien à retrancher. »
— Antoine de Saint-Exupery

L’auteur du Petit Prince, même s’il ne parlait probablement pas d’interface utilisateur, nous met sous les yeux une telle évidence qu’il serait fou de ne pas en tirer une conclusion pour notre travail : une bonne expérience s’enrichit de déductions et non d’ajouts effrénés de fonctionnalités et de contenus superflus. Naturellement, l’être humain fuit les choix. Il faut donc s’efforcer de lui proposer directement ce dont il a besoin.

« En musique, le silence est plus important que le bruit » (In music, silence is more important than sound)
— Miles Davis

Nous pourrions appliquer ce principe dans beaucoup de domaines, y compris en design graphique où il est tentant de dessiner des interfaces utilisateur magnifiques, remplies de détails gothiques pour remplir l’espace disponible au maximum. Pourquoi ne pas le faire puisque les outils mis à notre disposition sont de véritables machines de guerre qui nous le permettent (qui a dit « Photoshop ») ?

Les espaces blancs, en design sont comparables aux silences en musique : il mettent en valeur la matière, c’est à dire les notes ou le contenu, tout en lui donnant un rythme. Par exemple, on préfèrera un espace blanc pour séparer deux éléments de menu plutôt qu’un trait de séparation.

Portrait de Miles Davis par Palumbo

Une autre citation très connue de Miles Davis est « Do not fear mistakes. There are none ». Un véritable esprit d’entreprenariat !

« Less is more. »
— Ludwig Mies van der Rohe

L’architecte allemand minimaliste qui a dirigé la fameuse école d’art Bauhaus avait une vision qu’on pourrait associer aujourd’hui au flat design : « Art begins with the getting rid of nature. ». Pour le mouvement Bauhaus, d’inspiration moderniste et minimaliste, la forme doit avoir une valeur fonctionnaliste et non plus esthétique. Par extension, les objets doivent être épurés et rationalisés, pour apporter plus d’ « honnêteté » dans leur design. Le but est de se concentrer sur l’usage et non l’esthétique de l’objet

En design web, il est utile de s’inspirer de ces idées pour concevoir des interfaces homme-machine concentrée sur l’utilisabilité et le contenu (c’est-à-dire ce que les utilisateurs viennent chercher sur Internet, finalement) et réduire les détails superflus qui brouillent le message.

D’ailleurs, à ce propos, Steve Jobs s’exprimait en ces termes en 2003 : « Design is not just what it looks like and feels like. Design is how it works ».

« Quand je crée quelque chose, je m'attache à donner l'impression qu'il y a un être humain derrière l'interface, pas un ordinateur. » (When I design, I work very hard to make the interface experience feel like there’s a human on the other end, not a computer)
— Aarron Walter

Principal créateur de l’expérience utilisateur chez MailChimp, l’auteur du fameux ouvrage Design Émotionnel donne les clefs pour créer des expériences utilisateur engageantes émotionnellement en conférant une dimension humaine aux services. Cette citation résume très bien la démarche du design émotionnel. Il s’agit de créer une interaction agréable et mémorable à long terme. L’interface n’est pas pensée comme une relation entre un humain et une machine, mais plutôt entre un utilisateur et les créateurs derrière la machine. Ainsi, des caractéristiques humaines telles que l'instinct, le hasard ou la personnalité peuvent être transposées (avec discernement) au design d’expériences utilisateurs.

Foule d'utilisateurs quotidiens du métro londonien

L'utilisateur, au centre de la conception ?

« L'utilisateur n'est PAS une forme de vie inférieure » (The user is NOT a lower life form)
— Ken Becker

Si le design d’expérience utilisateur rencontre un franc succès depuis quelques années, il ne peut exister sans les utilisateurs. « Les utilisateurs préfèrent … » ou « Ce que veut l’utilisateur, c’est… » sont des suppositions qu’il vaut mieux vérifier. Pour cela, il suffit d'en parler aux utilisateur réels avant de les tenir pour acquises. Mais leur parler n’est pas suffisant.

« Il faut prêter attention à ce que l'utilisateur fait et non ce qu'il dit » (Pay attention to what users do, not what they say)
— Jakob Nielsen

En disant cela, Jakob Nielsen affirme que les utilisateurs ne savent pas toujours ce qu’ils veulent en réalité. Il ne suffit donc pas, pour concevoir une expérience, d’écouter les retours de ces derniers. Il faut aussi et surtout observer comment ils se comportent et ce qu’ils font réellement, lorsqu’on leur demande de réaliser des tâches précises. Aller plus loin.

« Si l'utilisateur ne le trouve pas, c'est qu'il n'existe pas » (If the user can’t find it, it doesn’t exist)
— HFI button

Il est vraiment dommage d’avoir une idée de fonctionnalité utile, de passer du temps à la développer pour finalement constater qu’elle n’est pas utilisée… Peut-être que cette fonctionnalité (ou ce contenu) est réellement utile, mais un problème d’interface ou d’architecture de l’information peut empêcher l'utilisateur d'y accéder ! Ici encore, les tests utilisateurs sont d’une grande aide pour trouver les symptômes du problèmes.

« Observez les gens dans leur propre environnement » (Watch people in their own environments)
— Peter Merholz

Les gens n’utilisent jamais un service de la même façon, selon qu’ils soient dans les transports, dans leur canapé en face de la télé, confortablement installé sur leur écran au travail ou en vacances dans un pays étranger avare en connexion de données. C’est pour cela qu’il faut tester ces services in situ, pour que les retours obtenus par ces recherches soient les plus réalistes possibles.

Sans cela, le risque est grand de se méprendre sur les attentes réelles des utilisateurs en matière d’interface, d’architecture de contenus ou d’autres sujets qui seront déterminants pour le succès ou l'échec du service.

Conclusion

« L'utilisabilité est critique pour toutes les interfaces, mais pour celles qui s'adressent au grand public, c'est la clé de voute, responsable de son succès ou de son écroulement. » (Usability is critical for any application, but for mass-market software, usability spells success or failure more clearly than any other feature)
— Dr. Jerrold Grochow, Chief Technology Officer, American Management Systems

Pour conclure, cette citation met clairement en avant, si cela était nécessaire, l’utilisabilité et l’expérience utilisateur dans le succès ou l’échec d’une application qui souhaite s’adresser à un large marché. Un service peut être le résultat d'une idée brillante, proposer des fonctionnalités et des contenus pertinents, s’il est pensé sans mettre son utilisateur final au centre de sa conception, il ne sera utilisé que par ses créateurs.

Photo Credit: Ignacio Palomo Duarte sur Flickr

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